Titan, le plus gros satellite de Saturne, étudié en détail par la mission Cassini de 2004 à 2017, suscite un grand intérêt en raison de sa chimie atmosphérique très active. Cette dernière est basée sur la dissociation, à près de 1000 km au-dessus de sa surface, des deux molécules les plus abondantes : le diazote (N2, 95%) et le méthane (CH4, 5%). Les composés organiques complexes produits par les réactions chimiques, mènent à la formation de particules de taille micrométrique présentes dans toute l’atmosphère, lui donnant cette couleur jaune dorée dans le visible (Fig. 1, à gauche). L’étude de la complexité de la chimie atmosphérique de Titan est particulièrement intéressante pour comprendre la chimie pré-biotique (avant l’apparition de la vie) dans un milieu autre que celui de la Terre.

A droite : Titan, en fausses couleurs, vu dans les longueurs d’onde de l’infrarouge proche par le spectro-imageur VIMS de Cassini. Certaines longueurs d’onde permettent de voir les différences de terrain de la surface. Les zones sombres de la région équatoriale sont principalement des champs de dunes. Crédit : NASA/JPL/University of Arizona/University of Idaho, https://photojournal.jpl.nasa.gov/catalog/PIA20016
À gauche, la taille apparente de Titan est supérieure en raison de son épaisse atmosphère.
Titan possède de grandes étendues liquides, une particularité qu’il partage avec la Terre. Cependant, avec une température à la surface de -180°C, et une pression de 1,5 bar, c’est principalement du méthane liquide qui emplit les mers et les lacs de Titan, localisés majoritairement dans la région polaire nord. Il existe un cycle du méthane, analogue à celui de l’eau terrestre et d’imposants systèmes nuageux peuvent se former de temps à autre. Ils provoquent des pluies de méthane parfois violentes, à l’origine des réseaux fluviaux et des rivières (apparemment asséchés) observés par la sonde Huygens lors de sa descente en janvier 2005 et par le radar de Cassini.
À partir de 2034, Titan sera de nouveau exploré par une mission particulièrement ambitieuse et novatrice. Elle a pour nom Dragonfly et a été sélectionnée en juin 2019 par la NASA dans le cadre de son programme New Frontiers. Elle est constituée d’un octocoptère d’environ 500 kg (Fig. 2) qui se déplacera d’une dizaine de kilomètres lors de chaque vol. Son principal objectif scientifique sera d’étudier les conditions de formation des briques chimiques du vivant dans un environnement autre que la Terre.

Crédit : Johns Hopkins APL.
Dragonfly réalisera des mesures de la composition de la surface et de l’atmosphère dans une vingtaine d’endroits de la région équatoriale pendant les 3 années que durera la mission nominale. Dragonfly se dirigera vers le cratère Selk qui est son objectif final. Ce cratère d’impact a pu contenir de l’eau liquide pendant plusieurs centaines d’années après l’impact qui lui a donné naissance. Ceci présente un intérêt tout particulier en terme de chimie pré-biotique car il a été montré, en laboratoire, que l’immersion de particules chimiques analogues à celles de l’atmosphère de Titan dans de l’eau liquide produit des molécules d’intérêt biologique, comme les acides aminés, en seulement quelques mois.
Dragonfly emportera des caméras panoramiques, un spectromètre à rayon gamma et neutrons (DraGNS) qui mesura la composition élémentaire de la surface (en atomes d’azote, d’hydrogène, d’oxygène, …). Il sera également équipé de capteurs, réunis dans l’instrument DraGMet, destinés à mesurer les conditions météorologiques et sismiques. Un spectromètre de masse couplé à un chromatographe en phase gazeuse sera également à bord. Il s’agit de l’instrument DraMS, raccordé à un système de prélèvement d’échantillons (DrACO) du sol et de l’atmosphère.
La contribution française principale à Dragonfly, pilotée par le Laboratoire Atmosphères, milieux et Observations Spatiales (LATMOS, CNRS/Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines – Paris Saclay/Sorbonne Université), porte sur la conception et la construction du système DraMS-GC, le chromatographe en phase gazeuse qui fait partie de DraMS. Cet instrument permet une analyse chimique, soit par désorption laser, soit par chromatographie en phase gazeuse, avec un spectromètre de masse. L’accord de coopération entre le CNES et la NASA a été signé le 14 mars 2022.
Le LESIA, à travers le GEFL (Groupe d’Études et de Fabrication du LESIA) fournira les architectures thermiques et mécaniques du chromatographe en phase gazeuse de DraMS, et contribuera aux tests thermiques sous vide et en environnement de Titan. Ces tests seront notamment réalisés au MESPAL (Moyens d’Essais, Salles Propres, AIT/AIV du LESIA), le centre de moyens d’essais du laboratoire.
L’équipe du LESIA travaillant sur l’instrument DraMS-GC est constituée de :
- Gaële Barbary : responsable de l’Assemblage, Intégration et Tests (AIT) mécaniques et thermiques réalisés au LESIA.
- Cyrille Blanchard : AIT, campagnes de qualification bakeout (dégazage des composants à haute température) et tests sous vide et thermiques.
- Bruno Borgo : conception mécanique.
- Frédéric Chapron : architecture mécanique.
- Claude Collin : usinage mécanique.
- Corentin Gabier : design thermique.
- Valerian Michel : design thermique.
- Napoléon Nguyen-Tuong : responsable technique LESIA, architecture thermique.
- Jérôme Parisot : responsable du MESPAL, pilote les moyens vide-thermique du MESPAL.
- Sandrine Vinatier : chercheuse, Co-I de l’instrument DraMS-GC. Etude de la température et de la composition de l’atmosphère de Titan à partir des données de Cassini et de télescopes au sol.
- Didier Zéganadin : soutien à l’Assurance Qualité.

Crédit photo : Sylvain Cnudde, LESIA - Observatoire de Paris-PSL
Pour aller plus loin
Les actualités de la mission Dragonfly sont disponibles sur le site web officiel de la mission : https://dragonfly.jhuapl.edu/