L’imagerie directe d’exoplanètes, un véritable défi

Les exoplanètes sont des cibles privilégiées en observation astronomique car elles permettent de mieux comprendre comment se forment les systèmes planétaires, y compris le nôtre. En 30 ans, le nombre d’exoplanètes découvertes s’élève à 7500. Ce nombre croît de manière exponentielle grâce au génie humain qui se dote de nouveaux télescopes de plus en plus puissants et de nouvelles techniques observationnelles pour pallier les difficultés.
Il existe plusieurs techniques de détection d’exoplanètes, dont l’une consiste à imager directement une planète en orbite autour de son étoile hôte. On pourrait penser que cette méthode est la plus simple, car elle semble la plus intuitive. Pourtant, il n’en est rien ! En réalité, l’imagerie directe d’exoplanètes est complexe pour deux raisons principales : elle nécessite une résolution angulaire suffisante pour distinguer la planète de son étoile, ainsi qu’une sensibilité adéquate pour obtenir un contraste permettant de faire ressortir la pâle lueur de la planète par rapport à une étoile brillant des millions de fois plus intensément. C’est pour ces raisons que la plupart des détections d’exoplanètes par imagerie directe concerne des planètes loin de leur étoile, d’au moins dix fois la distance Terre-Soleil (10 AU), et très massives (environ celle de Jupiter) pour que leur émission infrarouge soit plus intense.
D’un point de vue observationnel, il est possible de surmonter ces difficultés et espérer imager des planètes plus petites et plus proches de leurs étoiles en utilisant plusieurs stratégies :
- Augmenter le diamètre du télescope, ce qui améliore la résolution angulaire.
- Observer dans l’infrarouge moyen, renforçant le contraste étoile-planète. En effet, dans cette partie du spectre électromagnétique, la planète est plus brillante car on observe son émission thermique plutôt que sa lumière réfléchie, tandis que l’étoile est moins lumineuse.
- Utiliser un coronographe pour masquer la lumière de l’étoile, facilitant l’observation des objets environnants noyés par son éclat.
- Observer depuis l’espace pour s’affranchir de la turbulence atmosphérique.
Or, le télescope spatial James Webb (JWST) possède justement toutes ces caractéristiques ! Notamment l’instrument MIRI (Mid-Infrared Instrument) observe dans l’infrarouge moyen et dispose d’un coronographe (cf. Figure 1) conçu au LIRA de l’Observatoire de Paris et fabriqué par le CEA.
C’est cette technique qui a permis à une équipe de recherche menée par une chercheuse du LIRA de découvrir une nouvelle exoplanète, la première à l’être par le JWST.
Des anneaux dans des disques de débris

Le JWST n’a pas été conçu pour découvrir des exoplanètes, mais plutôt pour les étudier avec une grande précision une fois qu’elles ont été découvertes par d’autres télescopes. En effet, son champ de vision n’est pas adapté pour observer de nombreuses étoiles en même temps, ce qui ralentit considérablement le processus de découverte.
Ainsi, pour réaliser cette découverte, l’équipe de scientifiques a dû se concentrer sur les disques de débris les plus prometteurs : des systèmes âgés de quelques millions d’années seulement. Dans ces systèmes, les planètes tout juste formées sont encore chaudes, ce qui les rend plus lumineuses dans l’infrarouge thermique que leurs homologues plus âgées, facilitant ainsi la détection de planètes plus petites. De plus, ces systèmes sont vus par le pôle de leur étoile depuis la Terre, une configuration qui permet de voir les disques "par le dessus".
Parmi ces candidats susceptibles d’abriter des planètes en formation, deux ont particulièrement retenu l’attention des chercheurs. En effet, de précédentes observations avaient révélé des structures annulaires concentriques en leur sein, soupçonnées d’être le fruit d’interactions gravitationnelles entre des planètes non identifiées et des planétésimaux, c’est-à-dire des planètes en formation.
L’un des deux systèmes, appelé TWA 7, présente trois anneaux distincts, dont un particulièrement fin, entouré de deux régions presque vides de matière (cf. Figure 2). Lorsque les scientifiques ont pointé le JWST vers ce système, l’image obtenue a révélé une source au cœur même de cet anneau fin. Après avoir éliminé les hypothèses d’un potentiel biais d’observation, les scientifiques sont arrivés à la conclusion qu’il s’agit très probablement d’une exoplanète. Des simulations détaillées ont effectivement confirmé la formation d’un anneau mince et d’un "trou" à la position exacte de la planète, en accord parfait avec les observations effectuées par le JWST.
Quelles perspectives pour les futures découvertes d’exoplanètes ?

Baptisée TWA 7 b, cette nouvelle exoplanète est dix fois plus légère que celles imagées jusqu’à présent ! Sa masse est comparable à celle de Saturne, soit environ 30% de celle de Jupiter, la plus massive des planètes du Système solaire.
Ce résultat marque un nouveau jalon dans la recherche et l’imagerie directe d’exoplanètes de plus en plus légères. Le JWST a le potentiel d’aller encore plus loin à l’avenir. Les scientifiques espèrent ainsi pouvoir imager des planètes pouvant avoir seulement 10% de la masse de Jupiter. Cette découverte ouvre la voie vers l’imagerie d’exoplanètes de type terrestre. Elles seront l’objectif des futures générations de télescopes spatiaux et terrestres, dont certains utiliseront également des coronographes plus perfectionnés. Les systèmes candidats les plus prometteurs sont d’ores et déjà en cours d’identification pour ces futures observations.
Ce projet a été financé par le Conseil européen de la recherche (CER) dans le cadre du programme de recherche et d’innovation Horizon 2020 de l’Union européenne (COBREX ; subvention # 885593). https://cobrex.lesia.obspm.fr
Pour en savoir plus
Contacts scientifiques LIRA
- Anne-Marie Lagrange (anne-marie.lagrange@obspm.fr)
- Anthony Boccaletti (anthony.boccaletti@obspm.fr)
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